A propos des "Pièces jointes"

Ces "Pièces jointes" sont un complément au blog 1914-1918 : une correspondance de guerre où sont publiées les lettres échangées pendant la Première guerre mondiale entre Jean Médard et les siens, en particulier avec sa mère, Mathilde. (Pour toutes les informations sur Jean Médard, se reporter au blog de base).

On trouvera ici un billet sur tous les amis ou camarades morts dont Jean évoque le souvenir. Pour chacun :
- sa fiche de "Mort pour la France" avec sa transcription (en bleu) ; toutes ces fiches proviennent du site Mémoire des hommes ;
- tous les textes de la correspondance et des mémoires de Jean Médard le concernant (en italiques) ;
- dans la mesure du possible, une notice biographique (dans un encadré).
Merci d'avance à tous ceux qui pourraient me communiquer des informations me permettant d'étoffer certaines notices, ou tout simplement me signaler leur parenté avec la personne à qui le billet est consacré. (Mon adresse est dans le blog de base, sous l'onglet A propos du blog.)

Les articles sont publiés dans l'ordre des décès, les morts les plus anciens se trouvent donc en bas de la liste. Pour faciliter d'éventuelles recherches, vous trouverez sous la rubrique "INDEX" une liste alphabétique, avec un lien vers chaque article.

vendredi 26 juin 2015

Daniel SCHEURER (1885-1915)

SCHEURER
Daniel
Sergent
170ème régiment d’infanterie
Classe : 1905
Recrutement : Épinal
Mort pour la France le 14 mars 1915
Tué à l’ennemi
à Mesnil-les-Hurlus (Marne)
Né le 9 novembre 1885
à Thann (Haut-Rhin) 

Tout mon esprit est occupé d’une famille d’ici, 2 fils tués à l’ennemi en 15 jours. Ce sont des industriels très généreux et actifs. La visite que j’ai faite hier m’a beaucoup impressionné : une énergie extraordinaire, déroutante, nette, consciente, avec une foi religieuse des plus vagues. Je dois faire le service demain, tu juges avec quelle anxiété.
(Albert Léo à Jean – 30 avril 1915) 

Avant-hier nous étions invités à déjeuner chez les Scheurer, le capitaine de Ronseray et moi. La neige, qui avait presque complètement disparu la veille sous la pluie chaude, était retombée très abondante pendant la nuit. De la salle à manger qui donne par une large baie sur la montagne, c’était éblouissant et féerique. Et dans ce cadre les hôtes qui sont toujours une leçon vivante de courage et de bonté. De Trévise était là. La conversation s’est égarée sur le terrain politique et dans la discussion Mr Scheurer a apporté de la droiture, de la fermeté, de la courtoisie, des vastes connaissances et une vaste intelligence. C’est épatant. Il y a très souvent diversité de vue entre ses hôtes et lui, car ses hôtes, quand ce sont des militaires de carrière, sont réactionnaires, et lui est un républicain convaincu, frère de Scheurer-Kestner, président du Sénat et défenseur de Dreyfus.
(Jean à sa mère – 10 janvier 1918)

 
 
Pierre et Daniel Scheurer étaient les fils de Jules Scheurer (1852-1942) et de Marie-Anne Dollfus (1863-1942). Les Scheurer avaient aussi une fille, Antoinette (1900-2003). Jules Scheurer était un industriel du textile. Entre 1920 et 1927, il a été sénateur du Haut-Rhin.
          Daniel Scheurer avait épousé en 1910 Geneviève Favre, née en 1889. Le 11 mars 1915, trois jours avant sa mort, il lui écrit :
« Je t’écris d’un gourbi en plancher car, ici, il ne reste pas une maison debout. Je n’ai jamais vu une destruction pareille. Ici, c’est l’image laide de la guerre avec des routes défoncées, une boue terrible, des convois qui n’en finissent pas. Mais cependant, nous sommes encore à quelque distance de la ligne de feu. Je ne sais pas ce qu’on va nous demander, mais je crois que cela ne saurait tarder. C’est bien notre tour, maintenant ». Daniel Scheurer interrompt sa lettre pour répondre aux questions du général venu en tournée d’inspection dans la tranchée que défend le 170ème RI. Puis il reprend la plume : « J’ai rencontré des Alsaciens, dont un de Wattwiller et nous avons parlé notre cher vieux patois. Mes poilus sont assis près de moi et nous sommes comme de vrais sauvages, boueux et sales. Le canon n’arrête pas et il y a ici un mouvement qui rappelle les Champs Élysées à cinq heures, mais avec moins d’élégance ».
(Merci à Isabelle Beauvineau, qui m’a autorisée à citer ici cette lettre de son grand-oncle Daniel Scheurer.)
 
Dans sa lettre à Jean du 30 avril 1915, Albert Léo ne cite pas le nom des Scheurer, ni bien sûr – censure oblige – l’endroit où il se trouve.  
Mais lorsque les hasards de la guerre amèneront le 132ème R.I. à Thann, en Alsace, Jean lui aussi sera très fréquemment l’hôte des Scheurer (il mentionne, entre juin 1917 et janvier 1918, une quarantaine de visites !). Dans ses lettres à sa mère, il parle d’eux avec admiration et affection, mais toujours de manière très brève, sauf dans sa lettre du 10 janvier 1918, citée ci-dessus.
 
HF (01/07/2015)
Source pour la lettre de Daniel Scheurer, les informations sur Antoinette Scheurer et Geneviève Favre : Généanet, arbre Isabelle Beauvineau-Debrot.